
Médiateur et conciliateur de justice : deux fonctions incompatibles ?
Médiateur et conciliateur de justice : deux fonctions incompatibles ?
Dans un arrêt du 15 décembre 2022, les juges sont revenus sur leur analyse de la compatibilité entre plusieurs fonctions judiciaires : celles de médiateur de justice et de conciliateur de justice. La Cour de cassation a ainsi précisé que ces deux fonctions étaient incompatibles, ce qui entraîne certaines conséquences en droit. Zoom avec Ake Avocats.
Pratique de la médiation et de la conciliation de justice : un flou juridique
Le juge est habilité à confier une mission de conciliation de justice à un tiers, alors chargé de tenter de régler un différend à l’amiable. Exerçant cette fonction à titre gratuit, le conciliateur est parfois tenté de s’inscrire pour exercer la mission de médiateur en parallèle. Bien souvent, cela pose difficulté puisque le droit est assez flou sur la question.
Par un arrêt en date du 15 décembre 2022, les juges ont tranché ce flou juridique en considérant qu’il est impossible d’exercer dans le même temps les fonctions de médiateur de justice et de conciliateur de justice.
Exception pour la fonction de médiateur de la consommation
En l’espèce, le requérant mettait en avant le fait qu’il est possible d’exercer la fonction de conciliateur de justice et de médiateur de la consommation dans le même temps. Il considérait donc que la réciproque était vrai concernant les fonctions de conciliateur et de médiateur de droit commun.
Les juges répondent par la négative en précisant que la fonction de médiateur de la consommation est une exception introduite par l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015. Ainsi, il reste possible d’exercer à la fois la fonction de médiateur de la consommation et celle de conciliateur de justice.
Un champ des textes étendu
Conformément au décret n° 78-381 du 20 mars 1978, une personne exerçant une activité judiciaire ne peut pas être nommée conciliateur de justice. Ici la question se posait de savoir si une personne au préalable conciliatrice de justice pouvait ensuite s’inscrire comme médiateur de justice. Les juges étendent le champ du décret en y incluant ce dernier cas de figure. On en conclut qu’un individu déjà occupé par la fonction de conciliateur de justice ne peut pas être nommé médiateur de justice, par parallèle avec l’impossibilité en cas d’exercice d’une activité judiciaire. On suit donc ici une sorte de capillarité dans les solutions avec une extension du champ des textes. Cela, y compris si l’activité exercée n’est pas rémunérée et seulement occasionnelle.
Toutefois, cela peut amener à s’interroger sur la fonction de conciliateur de justice qui est nommé bénévolement contrairement au médiateur de justice généralement rémunéré. En effet, si le conciliateur ne peut pas cumuler son activité avec la fonction de médiateur, le risque est qu’il ne se lance pas dans cette activité. De son côté, la médiation reste très largement plébiscitée, d’autant plus depuis l’instauration du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 permettant au juge de solliciter une injonction de médiation.
Spécialisé dans la médiation, le cabinet Ake Avocats intervient dans le cadre de vos litiges et dans la résolution à l’amiable de vos différends avant toute action en justice.
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Inscription sur la liste des médiateurs : quelles conditions ?
Conditions exigées pour s’inscrire sur la liste des médiateurs
Le médiateur est une partie souvent indispensable dans de nombreux litiges. Il intervient en qualité d’autorité administrative indépendante et a pour mission de tout mettre en œuvre pour résoudre un différend à l’amiable, en phase pré-contentieuse. Au regard de ses nombreuses qualités et de son savoir-faire, le médiateur doit suivre un processus précis pour exercer. Le cabinet Ake Avocats vous éclaire dans cet article sur les conditions requises pour s’inscrire sur la liste des médiateurs.
Décret du 9 octobre 2017 et inscription des médiateurs sur une liste
L’article 2 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 vient fixer les conditions d’inscription des médiateurs sur une liste. En principe, cette liste est simplement utilisée comme information pour les juges. Toutefois, être inscrit sur la liste des médiateurs permet de gagner en visibilité et d’obtenir davantage de missions.
La question des conditions requises pour s’inscrire en tant que médiateur sur cette liste est donc souvent revenue sur le devant de la scène et a même fait naître un contentieux. En pratique, les juges doivent se tenir au texte et ne peuvent pas prévoir d’autres conditions supplémentaires que celles prévues dans le décret.
Une expérience ou une formation suffisante pour la pratique de la médiation
En pratique, le décret du 9 octobre 2017 dresse la liste des critères indispensables pour figurer sur la liste des médiateurs en service. Il faut d’une part pouvoir justifier d’une expérience ou d’une formation suffisante pour pratiquer la médiation.
En pratique, la Cour de cassation considère qu’il y a lieu d’apprécier le parcours du candidat et son aptitude générale à pratiquer la médiation. Cela, au regard de la formation qu’il a suivie et de son expérience globale au fil des années. Ainsi, si le candidat a suivi une formation à elle seule insuffisante, il peut toujours se rattraper par son expérience professionnelle.
Les juges ne peuvent donc pas refuser à un candidat de s’inscrire sur la liste des médiateurs en se basant uniquement sur une expérience insuffisante dans le secteur de la médiation. Il convient d’apprécier les deux critères pris globalement : d’une part l’expérience et d’autre part la formation.
Autres conditions exigées pour s’inscrire sur la liste des médiateurs
La personne qui souhaite proposer ses services en tant que médiateur doit réunir d’autres conditions cumulatives indispensables :
- ne pas avoir fait l’objet d’une déchéance, d’une incapacité ou d’une condamnation (vérification du bulletin n°2 du casier judiciaire),
- ne pas avoir accompli d’acte contraire à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur et ayant occasionné une sanction (administrative ou disciplinaire) comme une radiation, une destitution de fonctions, un retrait d’agrément ou une révocation,
Appréciation de l’indépendance et de l’impartialité du médiateur
La question s’est également posée de savoir comment apprécier l’indépendance et l’impartialité des médiateurs. En pratique, l’absence d’un risque de conflit d’intérêt n’est pas mentionnée dans le décret comme condition d’inscription sur la liste des médiateurs. Cela ne signifie pas que l’impartialité du médiateur est mise de côté, toutefois cette condition doit être considérée au moment de la désignation du médiateur.
L’impartialité et l’indépendance de ce professionnel dépendent du litige pour lequel il est contacté. Ces éléments sont donc considérés lorsque le médiateur est investi de sa mission sur un différend en particulier. Cela ne doit pas être confondu avec la liste des médiateurs, dressée uniquement pour information des juges.
Spécialisé en droit de la médiation, le cabinet Ake Avocats est à votre disposition pour vous accompagner en phase pré-contentieuse et vous aider à résoudre rapidement un litige à l’amiable en défendant au mieux vos intérêts.
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Médiation préalable obligatoire : quel est le bilan ?
Quel bilan pour la médiation préalable obligatoire ?
La loi Justice du XXIe siècle en date du 18 novembre 2016 a prévu l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire. Après plusieurs années au banc d’essai, l’heure est au compte-rendu. Quel bilan le Conseil d’Etat fait-il de l’utilisation de cette médiation préalable obligatoire ? Eclairage avec le cabinet Ake Avocats.
Un bilan plutôt positif mais des disparités entre les administrations
L’objectif de la médiation préalable obligatoire était d’élargir le dispositif et de le pérenniser au maximum pour certains contentieux. On dénombre ainsi 5 516 demandes de médiation préalable obligatoire enregistrées entre le 1er avril 2018 et le 1er avril 2021. Le tout avec un taux de réussite avoisinant les 76 %.
Dans les faits, plus de 80 % des demandes de médiation ont concerné des litiges sociaux. La moitié des litiges visant Pôle Emploi. La totalité des demandes envoyées aux médiateurs de Pôle emploi étaient recevables tandis qu’un peu moins de la moitié l’était concernant les CDG (ou centres de gestion de la fonction publique territoriale).
Face à ce résultat communiqué par le Conseil d’Etat, la première réaction est à l’enthousiasme. Pour autant, ce bilan est quelque peu terni par la présence de disparités importantes entre les administrations et les territoires. Puisque l’expérimentation doit se terminer le 31 décembre 2021, la question se pose de maintenir le dispositif de médiation préalable obligatoire plus longtemps. En prenant bien entendu en compte l’importance de diminuer ces disparités.
Un taux de réussite variable en fin de médiation
Une médiation préalable obligatoire est dite réussie lorsqu’elle a débouché sur un accord. Au sein du ministère des Affaires étrangères, ce taux dépasse les 80 %, tandis qu’il n’est que de 51 % dans la fonction publique territoriale. De manière globale, on estime que plus de la moitié des médiations aboutit à une issue favorable. Cela a évidemment pour conséquence d’alléger les tribunaux et les flux contentieux.
Du côté de la célérité de la justice, l’impact du taux de réussite de la médiation obligatoire se fait ressentir. La médiation se règle en moyenne en 52 jours au sein du ministère de l’Education nationale, contre 90 jours environ au ministère des Affaires étrangères.
Vers un développement d’une culture de la médiation
Face aux résultats de cette étude, plusieurs axes d’amélioration ont été avancés. Notamment celui de développer davantage une culture de la médiation. Si l’essai de la médiation est obligatoire, les parties restent tout de même libres de pouvoir continuer le processus ou d’y mettre un terme. Développer cette culture de la médiation apparaît donc comme un atout à l’avantage premier des agents et des administrations. Des sessions de formation peuvent par exemple être menées en ce sens.
De leur côté, les médiateurs doivent rester formés, légitimes, impartiaux, disponibles et indépendants. Le tout avec une dose de pédagogie à chaque étape.
Quoi qu’il en soit, la médiation reste une voie efficace et pertinente dans le maintien des relations pérennes entre l’employeur public et son agent. Le tout en gagnant un temps précieux et en parvenant souvent à trouver un accord satisfaisant pour toutes les parties.
Spécialisé dans le droit de la médiation, le cabinet Ake Avocats basé à La Réunion propose aux particuliers et aux entreprises de défendre leurs droits par le biais de la médiation ou de l’action judiciaire.
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Décret du 29 janvier 2021 : nouveautés pour la médiation en ligne
Décret du 29 janvier 2021 : quelles modifications pour la certification des services de médiation en ligne ?
Le décret n° 2021-95 du 29 janvier 2021 apporte quelques modifications quant à la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage. Les contours de l’accès à ces services sont revisités pour une meilleure prise en charge. On assiste également à du nouveau pour les médiateurs de la consommation et les autres conciliateurs. Zoom sur les nouveautés de ce décret.
Les médiateurs et les conciliateurs sont désormais certifiés de plein droit
Les médiateurs de la consommation, les médiateurs proposant leurs services en ligne et les conciliateurs de justice sont désormais certifiés de plein droit.
Ils n’ont donc plus besoin de demander une certification par un organisme spécifique car ils en bénéficient automatiquement. Néanmoins, le document justifiant de cette certification effective, doit être visible par tous, dans une logique d’information et de transparence.
Les médiateurs qui ne sont pas inscrits sur les listes de médiateurs en Cours d’appel continuent sous le régime précédent. Ces derniers doivent donc continuer à faire une demande de certification auprès d’un organisme agréé. La différence entre ces deux types de prestataires réside dans leur inscription ou non sur la liste de médiateurs près une Cour d’appel. La certification n’est cependant pas une obligation mais un gage de fiabilité pour les justiciables.
Pour permettre aux justiciables de savoir quels prestataires sont certifiés, la Chancellerie a instauré le label “Certilis”. Ce label représente une garantie de qualité et de fiabilité pour les services de médiation, d’arbitrage et de conciliation en ligne. En choisissant un prestataire garanti “Certilis”, le demandeur sait qu’il se tourne vers un service en ligne qui obéit aux obligations légales en vigueur.
Création d’une rubrique spécifique pour les services de médiation en ligne
Autre ajout de ce décret : la création d’une rubrique spéciale pour les services de médiation en ligne. Toutes les personnes qui proposent un accès à la médiation ou à la conciliation en ligne doivent remplir les conditions de la loi Belloubet. Il s’agit notamment des conditions suivantes :
- les données personnelles sont protégées et restent confidentielles, hormis si les parties expriment leur accord écrit
- le médiateur doit fournir une information détaillée sur la résolution amiable du litige et sur l’impossibilité d’avoir exclusivement recours au traitement automatisé de données personnelles
Un audit de suivi à distance pour les services de médiation en ligne
Tout service de médiation, de conciliation et d’arbitrage en ligne doit faire l’objet d’un audit de suivi. Si possible, réalisé à distance. Dans ce cadre, le transfert d’une certification à un autre organisme est réalisable. Le tout dans une logique de bon suivi et de libre concurrence.
Si le prestataire se voit opposer un refus, un retrait ou une suspension de sa certification par l’organisme, il peut exercer un recours interne. L’instance se prononce sur son dossier dans un délai de 4 mois à compter de la réception de sa demande. Le recours interne n’empêche pas de mener un recours en justice contre la décision prise par l’organisme de certification.
Vous souhaitez avoir recours à la médiation pour résoudre un différend ? Ake Avocats vous propose son aide dans le cadre d’une médiation fiable et de qualité.
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Médiation : Comment gérer ses problèmes de voisinage
Médiation : Comment gérer ses problèmes de voisinage
Comme prévu dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Et pourtant, on estime que 2 français sur 3 subissent ou subiront un jour des nuisances de voisinage, véritable fléau de la densification croissante des villes et campagnes. S’il est souvent considéré qu’elles constituent une fatalité fasse à laquelle il est difficile d’agir, le droit ne demeure pas en reste et offre des possibilités d’action permettant de faire valoir ses droits, et cesser ces problématiques qui sont parfois susceptibles de dégrader fortement votre quotidien, privant les victimes d’une jouissance paisible de leur logement qu’il s’agisse d’une maison ou d’un appartement. Car si ce phénomène touche davantage les copropriétaires, il n’épargne pas les logements individuels et les quartiers pavillonnaires.
La jurisprudence au secours de la quiétude au quotidien
C’est à travers un arrêt rendu le 19 novembre 1986 que la 2e chambre civile de la Cour de cassation est venue créer la notion de trouble anormal de voisinage (pourvoi 84-16.379): “Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage”, instaurant un double principe d’exonération de responsabilité pour le résident dont les activités demeurent en-deçà d’un seuil de tolérance, alors que la 2e permet l’engagement automatique de la responsabilité de celui qui dépasse ce même seuil : le fait générateur est ainsi plus important que le préjudice en lui-même.
En effet, la vie en communauté pousse à établir un rapport d’équilibre entre les nuisances rendues nécessaires par la vie quotidienne (qu’elles soient sonores, visuelles ou olfactives). L’abus de droit de propriété et le trouble anormal de voisinage sont ainsi caractérisés lorsque cet équilibre est rompu, et ce même si aucune faute caractérisée n’est commise. La Cour d’appel d’Amiens est venue préciser dans un ancien arrêt de 1932 que nul n’est en droit d’imposer à ses voisins « une gêne excédant les obligations ordinaires du voisinage ». De la musique à fond à toute heure, aux hurlements répétés, bruits de meubles ou de coups intempestifs, barbecue sur le balcon, commerce ou activités mitoyennes bruyantes… les exemples possibles sont nombreux.
Quelle procédure engager face aux troubles de voisinage ?
La première démarche à engager est bien entendu amiable. Il est possible qu’avec un simple dialogue les choses puissent rentrer dans l’ordre, et que le voisin responsable des nuisances n’ait tout simplement pas conscience (volontairement ou non) du préjudice qu’il provoque. Si le dialogue verbal ne suffit pas, il convient alors de constituer un dossier écrit à travers l’envoi dans un premier temps d’un courrier simple, suivi d’une mise en demeure avec rappel de la législation (notons ici que le tapage diurne est tout aussi prohibé que le tapage nocturne!) par courrier recommandé avec accusé de réception si la situation n’évolue pas favorablement.
Lorsque cette première phase directe entre la victime et le responsable des nuisances ne suffit pas, il est alors possible de faire appel à un médiateur, dont la saisie s’effectue directement en mairie. Ce médiateur convoque alors les parties et tente depuis son regard extérieur et en terrain neutre de trouver une solution durable. Mais il ne dispose d’aucun pouvoir de police ou même de contrainte : il ne peut obliger les parties à se rendre à sa convocation. Si la démarche reste amiable, son caractère plus officiel permet généralement de régler le conflit.
Le troisième recours possible en cas d’échec est alors le maire de la commune, garant de la tranquillité publique et en mesure de diligenter les moyens nécessaires pour constater et faire cesser le trouble, notamment grâce aux forces de police municipale (police du quotidien et du cadre de vie), mais également des autres forces de sécurité disponibles et éventuellement de spécialistes tels que des acousticiens et inspecteurs de salubrité publique. Lorsqu’ils constatent le trouble anormal de voisinage, ils sont en mesure de prendre des mesures immédiates de rappel à l’ordre et en dernier lieu de saisir le Procureur de la République.
L’ultime recours reste celui porté devant les juridictions civiles (saisie du tribunal d’instance ou de grande instance, si le préjudice estimé est supérieur à 10 000€), ou pénales (dépôt de plainte) afin de faire valoir ses droits devant un juge, et obtenir une indemnisation ainsi qu’une sanction financière pour le responsable.
Enfin, rappelons que le propriétaire bailleur est responsable de son locataire, qui n’est pas exonéré des obligations de jouissance paisible sur le motif qu’il n’est pas propriétaire. Ainsi, depuis la loi 2007-297 du 5 mars 2007, le propriétaire est en droit de résilier le bail à tout moment en cas de troubles de voisinage établis. Lorsqu’il n’intervient pas auprès de son locataire pour faire cesser le trouble, il peut même engager sa responsabilité à l’égard du tiers lésé.